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Le comportement d’un fonctionnaire peut permettre d’écarter l’imputabilité au service de sa pathologie

par Delphine Combes le 15/03/2022

Le juge administratif admet désormais la possibilité pour l’administration de refuser la reconnaissance de l’imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs de son agent dès lors que le comportement de celui-ci représente la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d’exercice professionnel, à l’origine de sa maladie.


Lorsqu’il tombe malade ou se retrouve victime d’un accident le contraignant à s’absenter de son poste, l’agent public doit, comme le salarié du privé, informer son administration de sa situation en lui transmettant un arrêt de travail dans un délai de 48 heures.

Dans certains cas trouve à se poser la question de l’imputabilité au service de la pathologie ou de l’accident de l’agent public.

À la clé, le placement de l’agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service (« CITIS »), qui présente des avantages importants par rapport aux autres congés (congé médical ordinaire, de longue maladie ou de longue durée) :
- Le CITIS n’a pas de durée maximale et dure jusqu’au retour en service de l’agent ou son placement en retraite ;
- L’agent conserve la totalité de son traitement et, le cas échéant, de ses indemnité de résidence et supplément familial de traitement ;
- L’agent peut bénéficier du remboursement de l’ensemble de ses frais, notamment médicaux, générés par son accident ou sa pathologie.

Il appartient à l’agent de solliciter le placement en CITIS auprès de son administration, par le biais d’une déclaration d’accident de service, d’accident de trajet (en principe, dans un délai de 15 jours) ou de maladie professionnelle (en principe, dans un délai de deux ans).

Certaines pathologies, recensées au sein d’un tableau, sont présumées d’origine professionnelle, donc imputables au service (articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale). Il en va de même des accidents survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de l’agent, qu’elle s’en soit la cause.

En revanche, lorsque l’imputabilité n’est pas présumée, il revient à l’agent d’apporter la preuve du lien de causalité entre sa pathologie ou son accident et le service, ce qui peut s’avérer ardu.

Lorsqu’elle envisage de refuser de reconnaître l’imputabilité au service d’une pathologie ou d’un accident, l’administration saisit la commission de réforme pour avis, laquelle se fonde sur les pièces du dossier médical de l’agent et ses éventuelles observations.

La jurisprudence admet désormais que l’administration prenne en considération le comportement personnel de son agent lorsque celui-ci entraîne des conséquences sur la survenance de sa pathologie.

Dans un arrêt n° 437254 du 22 octobre 2021, le Conseil d’État a développé la notion de « cause déterminante » concernant le comportement d’un agent souffrant de troubles anxio-dépressifs :

« Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. (...)

En statuant ainsi, alors que le syndicat mixte soutenait que M. C... avait adopté dès le changement de président et de directrice une attitude systématique d’opposition, sans rechercher si ce comportement était avéré et s’il était la cause déterminante de la dégradation des conditions d’exercice professionnel de M. C..., susceptible de constituer dès lors un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie du service, la cour a commis une erreur de droit ».

En l’espèce, le Conseil d’État a retenu que le juge devait, en plus des critères traditionnels de causalité, rechercher si le comportement de l’agent était susceptible de constituer un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie du service, lorsque l’administration le fait valoir.

Cette grille d’analyse a pu être reprise par les juges de première instance, notamment à Grenoble dans une décision concernant un agent titulaire de la Fonction publique au terme de laquelle la juridiction a constaté à l’inverse l’absence de « comportement de l’intéressée de nature à faire penser qu’il serait la cause déterminante de la dégradation des conditions d’exercice professionnel » ayant entraîné la survenance des troubles anxio-dépressifs, à défaut de preuve apportée par l’administration (Tribunal administratif de Grenoble, 25 janvier 2022, n° 1907405).

A l’avenir, il faut donc s’attendre à de nouvelles décisions dont certaines seront défavorables aux agents publics lorsque l’administration se prévaudra avec succès de leur comportement personnel pour justifier son refus de connaissance d’imputabilité, restreignant d’autant le champ de la maladie professionnelle.

Une jurisprudence qui reste toutefois à affiner, afin de mieux comprendre quelle nature de comportement, avec quelle gravité ou quelle fréquence, permettra de parvenir à une telle solution.

Elle trouvera également sans doute à se décliner pour d’autres pathologies que les troubles anxio-dépressifs, même si ceux-ci semblent être concernés en premier lieu par de telles situations conflictuelles.